Paria

P R I S S / T O P
14 min readJan 31, 2021

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Je quittai mon village sans le moindre mot à mes proches. La douleur avait été profondément ancrée en moi, et je savais que je ne pouvais plus rester dans ce village sans avoir le souvenir de ma mère, la nuque brisée et les yeux vides.
Le besoin d’une nouvelle vie urgeait violemment en moi de façon que j’abandonnai toutes mes responsabilités, quelles qu’elles étaient, je laissai également le temps jeter mes erreurs, mes souvenirs et mon bonheur. Le temps était une force incontrôlable contre laquelle il était impossible de lutter — écrire dans le sable comme graver dans la pierre, le temps effacerait tout, sans exception ; et ce, même si cela prenait des années et des décennies.
Sans inquiétude, je pensais que tout s’effacerait un jour. Un jour.

Après avoir parcouru quelques pays, je fis une rencontre surprenante avec Dean, un américain vivant au Japon que j’avais rencontré en Suède durant son voyage au travers de l’Europe. Ce fut durant une longue nuit de discussion dans le froid suédois que j’appris que Dean comptait déménager à Paris après en être revenu ravi par le pays et notamment la capitale. Il m’expliqua avec grande passion qu’il était tout simplement tombé amoureux du romantisme de cette ville. J’étais quelque peu sceptique devant tant d’enthousiasme, mon compte-rendu de Paris fut plutôt négatif par rapport à Dean.
Pour moi, Paris était glauque, sale et triste avec ses rues sombres sujettes aux attaques surprises et ses places touristiques, idéales pour les attrape-nigauds — comme toutes les autres capitales du monde, je ne voyais aucun intérêt à apprécier des buildings géants, des routes et des voitures. Je faisais toujours en sorte de visiter les coins les plus reculés qui étaient, de mon avis, les plus beaux endroits.
Dean insistait sur le fait que Paris possédait un charme indicible qu’il appréciait — j’en eus ri en pensant que les américains étaient bien étranges.

Pourtant, Paris était pour Dean ce que Dean était pour moi.
Il me proposa de m’installer avec lui pour m’y faire découvrir les joies parisiennes. J’acceptai sans réfléchir.

*

Dès lors mon arrivée, Dean déjà était là depuis un mois dans la capitale, la french touch dans la peau — il y flânait avec aisance comme s’il y avait habité toute sa vie et discutait avec les vendeurs comme un natif. Je ne demandai jamais quand ou comment il avait pu apprendre le français.

Dean avait toujours été très sociable et sympathique ; ce fut grâce à cette qualité qu’il rencontra Ghislain au Mexique quelques années plus tôt, Ghislain était designer parisien de renommée internationale et celui qui trouva cet appartement confortable en plein cœur de Paris dans lequel nous vivions.
A ma grande surprise, Dean était traducteur littéraire, il traduisait du français à l’anglais, du japonais à l’anglais et vice-versa. Cette grande connaissance qu’il avait des langues m’épatait. Je devins rapidement son assistant lorsque je n’étais pas occupé à composer.

Notre nouvelle vie me convenait parfaitement, puis grâce à Dean et Ghislain, j’en apprenais davantage sur la vie en ville. Ils aimaient me railler sur ma provenance quelque peu lointaine — j’appris également à rencontrer et connaître des gens incroyables, en même temps, j’apprenais le français grâce à ces rencontres. Je savais tant bien même qu’aucun n’était parfait. Notamment Julia.
Ce fut Ghislain qui me présenta Julia. Cette jeune femme de vingt-sept ans devint rapidement plus qu’une connaissance que je voyais fréquemment dès le moment elle me révéla qu’elle avait des problèmes de kleptomanie. Tout changea entre nous ; je devins son confident et son seul ami. Julia avait toujours cette envie irrépressible de voler sans se pouvoir se retenir, parfois sans même s’en rendre compte, à un tel point qu’elle arrêta complètement de sortir et de rencontrer ses pseudo-amies.
Pseudo-amies, en effet. Les seules « amies » de Julia étaient ses collègues et n’avaient que faire de sa maladie qu’elles pensaient comme une façon de se faire remarquer. Elle m’avoua également que depuis qu’elle habitait sur Paris, elle n’avait pas réussi à se faire une vraie seule amie et que la solitude la rongeait : le manque de proximité et d’intimité avec les gens l’accablait.

– Paris est cruel, tu ne trouves pas ?
– Je l’ai pensé glauque, sale et triste mais jamais cruel.
– Il y a tant de monde ici et personne ne prend soin de toi. Tu peux agoniser dans la rue, une foule de personnes passera près de toi sans jamais faire quoique ce soit pour toi. Tu es seul ici, dès que tu veux demander une simple chose, les parisiens se sentiront comme attaqués, ils ne sont pas habitués à la gentillesse et la politesse. Paris est tellement cruel que je ne fais que souffrir que de rester ici.
– Julia, qu’est-ce que tu attends pour rentrer chez toi ? demandai-je soudainement.

Elle sourit amèrement.

– Je m’avouerais vaincue si je rentrais maintenant.
– Oublie ta fierté et rentre chez toi. Si cette fierté te fait souffrir, jette-là, Julia. Personne ne t’en voudra parce que tu as fait une erreur. Accepter tes erreurs est la plus belle preuve de courage que tu puisses réaliser.

Julia porta sa main à sa bouche pour en cacher son tremblement avant de fondre en larmes.
Une semaine plus tard, Julia rentra chez elle.

*

J’étais auteur-compositeur mais depuis mon expatriement en France, j’avais eu beaucoup de mal à joindre les deux bouts. J’étais bien plus connu dans les pays anglophones et je commençais à regretter mon choix… jusqu’à que mon attachement et ma fascination pour Dean essuient mes doutes.

– J’ai une idée, s’enquit Dean. Tu sais te battre, Erik ?

Je restai coi pendant quelques instants, en tentant de comprendre la signification de « se battre ».

– Je ne me suis jamais battu. Physiquement ou moralement.

Je laissai faire, je ne répondais jamais aux coups reçus. Je ne m’étais jamais battu.

– Tu veux essayer ? Tu peux gagner beaucoup d’argent. C’est illégal, mais c’est une expérience à vivre.

Dean venait de me proposer de « me battre » pour de l’argent avec tant de spontanéité que je ne compris pas réellement ce qu’il me disait.

– Je ne vois pas trop où tu veux en venir, Dean.
– Dans ce cas là, ce soir, viens avec moi. Je vais te montrer les bas-fonds de Paris.

Je haussai un sourcil mais agréai.

*

Les bas-fonds de Paris — Dean m’avait emmené dans une des nombreuses stations de métro et passa par des portes usuellement closes et invisibles aux yeux du monde. Je me rendis compte que ces portes ne donnaient pas sur des salles de rangement comme je le pensais mais à des escaliers qui menaient encore plus bas que les métros eux-mêmes. Les marches étaient sinueuses et semblaient sans fin. Les murs étaient noirs, poussiéreux et étroits — nous ne pouvions éviter nos épaules d’effleurer ces murs.
Pour la première fois depuis longtemps, je me sentis terrifié et excité de ce que j’allais découvrir.

Menaient-elles jusqu’en Enfer ?

Graduellement, j’entendis un brouhaha indistinct et lointain alors que nous traversions les eaux sales des égouts. Une odeur répugnante nous parvint aux narines et je regardai Dean, inquiet. Je reconnaissais cette odeur.
En marchant, je heurtai mon pied à quelque chose de mou, Dean baissa la lampe torche à nos pieds pour y découvrir un corps en décomposition également gâté par l’eau ruisselante, je vis le sang séché contre les parois des égouts. Je grimaçai en portant ma main contre mon nez et ma bouche.

– Erik, ça va ? demanda Dean en me tapotant l’épaule.
– Oui…

Nous nous éloignâmes rapidement. Comment Dean pouvait-il rester aussi stoïque devant l’insalubrité de l’endroit ? Je ne lui posai jamais la question, mais je devinai qu’il n’était pas étranger à ce monde.

– Ici, c’est l’anarchie. Rien n’est respecté, tout est possible et tout peut s’arrêter en un seul instant. Dans chaque capitale, tu trouves un monde sans astre, ni ciel, similaire à celui que tu vas voir.
– Dean. Pourquoi me montres-tu cela ? N’est-ce pas censé être un endroit secret ?
– J’ai le sentiment que tu cherches à toujours aller plus loin, à rechercher tes limites depuis toujours. Tu veux savoir à quelle limite tu te situes, quand tu vas mourir n’est-ce pas ? Tu es une loque, Erik — tu t’ennuies et tu veux de l’excitation, alors nous voilà dans le monde où tu vas craindre pour toi et ta vie. C’est un sentiment que tu voudras peut-être toujours et encore ressentir, peut-être que tu comprendras finalement ce que j’aime tant dans Paris.

Il me prit par le poignet et je le suivis sans aucune réticence. L’excitation devenait de plus en plus forte — je crus entendre mon cœur battre pour la première fois depuis que j’avais rencontré Sara. Mais ce fut un lointain souvenir, lorsque j’avais eu la brillante idée de quitter mon village, je dus rompre avec Sara qui me laissa partir sans montrer son chagrin. Et pour cela, je l’aimerais peut-être indéfiniment.

*

Nous arrivâmes aux catacombes de Paris et traversâmes les carrières décorées d’ossements. Pour la première fois, je me demandai si les déterrer et les exposer en guise de décoration n’était-il pas un peu cruel — les déterrer pour les étaler dans les carrières par manque de place était comme si on déplaçait une population ancrée pour les sous-sols humides et froids à la vue des autres, vivants.
Au bout d’un moment, nous entendîmes du bruit, vîmes de la vie puis une arène — les gens hurlaient, crachaient et levaient bras et pieds avec haine devant deux hommes au milieu de l’arène se battre à mains nues comme deux chiens enragés. Je reculai de surprise.

– Dean.

Il arrêta sa marche et se retourna vers moi. D’un grand sourire charmeur, il me dit :

– As-tu peur ? Tu n’as jamais eu peur jusqu’à aujourd’hui.
– Ce n’est pas la peur qui me prend. C’est juste que j’ai le sentiment que je ne te retrouverai pas de si tôt.

Je vis un léger froncement de sourcils.

– Merci pour tout.

Dean hocha la tête négativement, d’un air désolé :

– Ne me remercie pas. Ne dis rien, je resterai avec toi comme tu m’as été fidèle depuis le premier jour où nous nous sommes rencontrés. Tu m’as suivi jusqu’à Paris, l’une des capitales les plus cruelles du monde, et je vais te faire découvrir en quoi elle est cruelle. Je te laisserai voir et exalter de cela pour un temps limité, n’oublie pas. Je te surveille.
– Ici les gens se battent dans le but d’être payé. Toutes les personnes que tu vois ici, ameutées, parient sur l’un des deux combattants. Ceux qui parieurs perdants payent le double pour qu’une partie revienne aux parieurs gagnants et une autre partie au vainqueur.
– Les combattants sont nombreux et ne sortent que très rarement d’ici car ils y gagnent une vie confortable et en veulent toujours davantage jusqu’à qu’ils meurent au combat. Les vainqueurs jugent eux-mêmes si les vaincus doivent être abattus ou non. La plupart du temps, les vainqueurs ne sont guère compatissants avec leurs adversaires.
– Tu es prêt, Erik ?

Prêt ou non, j’acquiesçai, si ce n’était pas maintenant, ce ne serait jamais. Nous fîmes le tour de l’arène pour trouver une autre sortie face à celle dont nous venions. J’entendis un grand cri. L’un des deux combattants venait d’être abattu.

– Je t’ai déjà inscrit ici pour gagner du temps, je t’emmène juste te reposer. A ton réveil, sois prêt à te battre.

Après avoir traversé un long et large couloir, je vis une nouvelle fois une arène beaucoup plus immense que celle que nous venions de voir et y rassemblait petites maisons et multitude d’édifices. Je devinai rapidement qu’il s’agissait de la ville des combattants.

– Je t’emmène chez un ancien combattant que tu connais bien.

A ma surprise, il s’agissait d’un village plus que normal à l’exception du haut plafond faisant office de ciel. Des lumières artificielles étaient les seules lumières que les combattants avaient pour s’éclairer.
Nous traversâmes des grandes rues sans jamais passer les innombrables ruelles dans lesquelles j’éviterais de m’y aventurer sans connaître la ville.

– C’est ici.

Un grand manoir. Sûrement l’une des plus grandes maisons du village, je restai bouche bée devant la grande demeure vers laquelle nous nous dirigions. Il sonna une énorme cloche — il semblerait que l’électricité ici se limitait aux lumières et que les autres technologies étaient moindres, peut-être par souci d’économie.
Un laquais vint nous ouvrir sans même demander qui nous étions. Nous entrâmes dans la demeure d’une grande beauté. Elle me rappelait les petits châteaux de mon village.

– Erik, Dean, vous êtes déjà là ?

Ghislain. Je reconnus sa voix avant même de me retourner et de le voir descendre les escaliers comme un prince attendant une importante missive.

– Ghislain… Ne me dis pas que tu étais combattant ici ?
– Hé oui, j’étais le meilleur jusqu’à que je décide de quitter ce triste endroit.

Ghislain arbora une mine renfrognée.

– Est-ce que tu veux vraiment le faire ? demanda Ghislain.
– Oui, allons-y. Je risque de mourir dès le premier combat.
– Non, je t’entraînerai, Erik, objecta-t-il soudainement. Tu seras face à des tueurs, pas question que je te jette dans l’arène de cette manière. Et on va commencer maintenant.

*

Mon premier match fut plutôt traumatisant, j’avais en face de moi une masse de graisse et je ne pus que rester de marbre rien qu’à l’idée de me faire écraser par cet homme. Je crus que l’entraînement de Ghislain me serait inutile contre un homme pareil. J’avais perdu contrôle de moi-même durant plusieurs secondes pendant lesquelles je me mis à courir à travers l’arène, tentant de fuir vainement cet homme. Je sondai mon propre esprit dans le but de trouver une solution à ce match sans issue.
Puis, en continuant à courir, il se mit à se fatiguer de lui-même. Je continuai pendant un long moment, et lorsque je ne pus plus courir, il vint à ma rencontre et tenta un coup de poing que j’évitai de justesse.
Sous l’adrénaline, je lui rendis cela dans la gorge, puis donna des coups de pieds dans ses genoux.

Avant même que je m’en aperçoive, le match était fini et j’avais miraculeusement gagné.

*

Je ne comptai plus mes victoires devenues innombrables et unanimes. Dans les rues, on tentait également de m’assassiner dans le but de me supprimer dans la compétition. Les jours passaient mais je perdis également la notion du temps. Tout ce que je souhaitais, c’était gagner encore et toujours. Je ne sus par quelle méthode mais Ghislain me rendait plus fort et plus puissant, plus enclin à gagner jour après jour.
Je me sentais exister, je me sentais vivant.
Quelques temps auparavant, Ghislain et Dean eurent une altercation — Ghislain restait obstinément silencieux sur les raisons pour lesquelles Dean n’était plus revenu. Je lui demandai plusieurs fois quand il reviendrait parce que j’étais intimement persuadé que Dean ne me laisserait pas comme ça.
La dernière fois que je le vis, j’avais refusé de partir avec lui lorsqu’il me le demanda, j’appréciais finalement l’aspect secret et dangereux que contenait ce genre de vie — toujours sur le qui-vive, un perpétuel danger rodait autour de moi.

– Erik, je commence à penser que Dean avait raison… Il m’avait dit qu’il était temps pour toi que tu remontes avant que tu ne te fasses détrôner et tuer. C’est pour cela que nous nous sommes disputés la dernière fois. Je voulais que tu en profites à fond mais Dean s’inquiète. Il sait que cela va mal se finir. Et il a raison. Il va falloir que tu penses à t’arrêter.

Je baissai la tête. Je ne voulais pas arrêter. Je compris soudainement les mots de Dean lorsqu’il m’avait prévenu du cercle vicieux dans lequel je m’étais empêtré. J’aimais la sensation de gagner, d’être reconnu pour mon talent, d’être payé pour me battre, d’être toujours poussé à mon maximum, cet instinct de survie qui nous faisait faire des choses incroyables.

– Je retourne en haut pour deux jours. D’ici là, sois sage, ne sors pas et ne prend aucun combat tant que je suis absent.

Je hochai la tête.

*

Comme promis, je ne participai à aucun match tant que Ghislain était en haut. Je ne pouvais pas l’accompagner puisqu’une règle m’interdisait de remonter sans abandonner mon statut de combattant.
Or je dus rester au manoir pour deux jours. Au bout de quelques heures d’entraînement, je ne pus rester et je finis par faire un tour dans la ville quelque peu vide, comme à son habitude. Les matchs se produisaient quasiment non-stop du matin jusqu’à tôt dans la soirée. Il y avait un bon nombre de combattants ici-bas et tous n’avaient qu’un seul but : gagner — pour de diverses raisons mais principalement pour l’argent.
Je n’avais pu sympathiser avec aucun des combattants, Ghislain m’avait dit que si je me retrouvais face à l’un de mes amis, je ne pourrais pas me battre au maximum. Par conséquent, j’étais connu comme le combattant solitaire ; ou presque, puisque j’avais Dean et Ghislain.

Dans la soirée, je décidai d’aller au bar du coin pour me distraire lorsque soudain, je sentis quelque chose de lourd cogner ma tête et marteler mon dos, à plusieurs reprises.

Je me retrouvai à terre, la tête ensanglantée et la vision obstruée par mon propre sang. Je ne pus riposter mais j’entendis des rires étouffés et des pas pressés s’éloigner. Cela me serait inutile de leur courir après, ou de demander de l’aide aux personnes alentour, non seulement personne ne se promenait dans les rues aussi imprudemment mais personne ne voudrait m’aider. J’étais le combattant le plus haut placé et m’éliminer ne serait qu’à l’avantage de tout le monde.
De toutes mes forces et du peu de conscience qu’il me restait, je rampai à travers la ville jusqu’à atteindre la sortie des arènes. Partout, je pouvais voir des combattants marcher près de moi sans me jeter un regard, certains avaient même tenté de m’achever.
Je ne pus me rappeler comment j’avais réussi à sortir de cet endroit, mais l’odeur des rats morts et des corps décomposés étaient encore présents dans les bas-fonds et j’eus beaucoup de mal à ne pas vomir sang et répulsion tout en me traînant dans les escaliers sombres et exigus.
Lorsque j’atteignis les stations de métro, j’entendis des femmes hurler rien qu’en me voyant, elles fuirent aussitôt. J’atteignis cependant très vite mes limites et dès qu’une voix familière cria mon nom, je laissai l’inconscience me submerger — pensant que tout irait bien et que je pouvais sûrement me laisser aller.

– Julia…

Puisque maintenant, Julia était là, je n’étais plus si seul.

*

– Ghislain !

Dean se précipita sur le parisien et lui envoya une droite à la mâchoire. Ghislain eut à peine le temps de se remettre du coup qu’il venait de recevoir que l’américain le prit par le col et lui cracha des mots au visage qu’il ne semblait pas comprendre, toujours sous le choc.

– Tu t’entêtais à ne pas m’écouter, à croire que tout allait bien… Tu as vu ce que tu as fait ?

Ghislain resta silencieux, mais se mordit tellement la lèvre inférieure qu’il aggrava le saignement de sa lèvre que le coup que Dean lui avait asséné.
Ce dernier vit, pour la première fois de sa vie, un autre homme à part lui-même pleurer de culpabilité.

– Finalement je ne peux que m’en prendre à moi-même, souffla finalement Dean. Tout est de ma faute si Erik est mort.

*

– Tu comprends maintenant Erik, ce que je ressentais, murmura Julia. Toi qui as connu l’excitation de la grande ville, tu es aussi tombé bien bas et tu t’es rendu compte à quel point les gens sont cruels ici à la capitale. Malgré tout le rêve qu’elle semble vendre au travers d’une image romantique, tout n’est que mensonge. L’excitation ne dure pas longtemps avant que tout ne se détruise en petits morceaux qui te transpercent le corps, le cœur et l’esprit.
– Je pense que c’est trop tard, hein Erik, dit Dean en esquissant un sourire. Tu n’as pas eu le temps de t’en rendre compte que tu n’étais pas si seul en réalité. Tu ne t’es seulement rendu compte que tu n’avais nulle part où aller depuis que tu es parti de ton village, tu étais terriblement seul lorsque ta mère s’est suicidée en te laissant seul.
– Mais tu n’as jamais été seul, quelqu’un a toujours été à tes côtés. Que ce soit nous ou ta mère là-haut. J’espère que tu as pu la retrouver où que tu sois.

2011

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